Concilier durabilité et innovation : l’économie circulaire au cœur de la transformation selon G. Chatel

La chimie a une connotation souvent négative dans l’esprit des gens, or elle compose l’intégralité de tout ce qui nous entoure. Il est important de changer l’image et d’aller vers des procédés plus vertueux.
Une alternative systémique au modèle linéaire
L’économie circulaire rompt avec la logique traditionnelle « extraire – produire – consommer – jeter ». Selon l’ADEME, elle vise à optimiser l’usage des ressources à toutes les étapes de vie d’un produit, en réduisant les impacts environnementaux et en favorisant la santé et le bien-être. En France, ce changement de paradigme s’appuie sur la loi AGEC (2020) et le plan d’action européen, qui introduisent des mesures concrètes : interdiction du plastique à usage unique, lutte contre l’obsolescence programmée, meilleure information des consommateurs, ou encore promotion de modes de production durables.
Un territoire déjà engagé
En Savoie Mont Blanc, l’économie circulaire n’est pas un concept abstrait : c’est une réalité en construction. Dès 2015, les intercommunalités de Grand Annecy, Grand Chambéry, Grand Lac et Rumilly Terre de Savoie se sont mobilisées aux côtés de l’ADEME pour structurer une politique ambitieuse de réduction des déchets, de réemploi et d’économie sociale et solidaire. De cette dynamique est né le salon SoluCir, devenu un temps fort annuel, puis une association qui réunit entreprises, collectivités et universités. L’Université Savoie Mont Blanc est membre fondatrice et siège au conseil d’administration, tout comme sa Fondation, via leurs représentants respectifs.
Une recherche interdisciplinaire, connectée aux territoires
C’est dans cet écosystème que s’inscrit la chaire CLEE, portée par la Fondation USMB et Grand Annecy. Elle croise économie, ingénierie et sciences de l’environnement pour explorer les leviers d’action de l’économie circulaire. Les travaux de recherche sur la réduction, la réutilisation et la valorisation des ressources s’articulent avec un dialogue permanent avec les acteurs du territoire. La thèse de Pierre Ouedraogo, par exemple, analyse les comportements de consommation et les dispositifs réglementaires dans le secteur de l’électronique. Cofinancée par l’ADEME et la Fondation USMB, elle illustre la volonté d’agir en lien avec les réalités économiques.
La chimie verte comme moteur de circularité
Au sein du laboratoire EDYTEM, la chimie verte s’impose comme un levier stratégique. Elle conçoit des procédés plus sobres, moins polluants, capables de transformer les déchets ou la biomasse en ressources. Cinq axes complémentaires structurent cette approche : procédés éco-compatibles, simplification des synthèses chimiques, technologies innovantes de valorisation, intégration de l’analyse de cycle de vie dès la recherche, et construction d’écosystèmes territoriaux multi-acteurs.
De la plante aux nouveaux matériaux
Plusieurs projets illustrent cette démarche appliquée. Le projet Rhizomex valorise la renouée du Japon, une plante invasive, en extrayant des polyphénols à haute valeur pour les secteurs de la cosmétique ou de la nutraceutique. Le projet VITIVALO transforme les sarments de vigne en molécules antioxydantes, tout en valorisant les résidus pour d’autres usages agricoles ou industriels. Le marc de café, quant à lui, fait l’objet de procédés d’extraction avancés intégrés à des modèles économiques circulaires. Enfin, une thèse menée en lien avec l’Université de Turin explore les propriétés antibactériennes du marc de pomme, avec des débouchés en santé ou agroécologie.
Vers une bioéconomie circulaire
Les résidus de biomasse agricole ou agroalimentaire représentent une source inexploitée de molécules d’intérêt. L’équipe d’EDYTEM développe pour cela des procédés fondés sur des solvants verts et des technologies innovantes, permettant une valorisation en cascade : du composant à haute valeur ajoutée aux coproduits. Un projet de thèse CIFRE explore la pelletisation in situ de la biomasse, directement dans les champs, à l’aide d’unités mobiles. Objectif : faciliter la transformation locale, limiter les transports, et entrer dans une logique de bioraffinerie territoriale, résolument zéro déchet.
Former, coopérer, transformer
Avec la Chimie Verte Academy, l’Université Savoie Mont Blanc affirme une vision intégrée : relier la formation, la recherche et le tissu socio-économique pour accompagner les mutations en cours. Le défi n’est pas seulement technologique : il est culturel, systémique, et profondément territorial. L’économie circulaire ne se décrète pas : elle se construit, en mobilisant chercheurs, collectivités, entreprises et citoyens. Et c’est dans cette dynamique collective qu’émergent les solutions les plus durables.
