Économie et management 

Le courage au travail : un levier oublié du management ? selon M. Battistelli

Et si le courage en entreprise n’était pas qu’une affaire de héros solitaires et de lanceurs d’alerte, mais aussi une vertu à cultiver au quotidien au sein de nos collectifs de travail pour oser être, oser dire, et oser faire autrement ? Cette forme de courage ordinaire, diffuse mais essentielle, s’avère précieuse pour les organisations qui cherchent à se réinventer. 

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A l’heure où les dirigeants ont du mal à recruter, c’est un sujet qui intéresse les jeunes que de penser la relation managériale différemment. Et donc un atout pour les séduire.

Repenser le courage au-delà des figures héroïques 

Le courage en entreprise est souvent représenté à travers des figures d’exception : le lanceur d’alerte, le dirigeant visionnaire, le salarié prêt à tout quitter pour rester aligné avec ses valeurs. Pourtant, cette vision héroïque ne rend pas compte de la réalité du terrain. Depuis 2023, les travaux de Matthieu Battistelli, en collaboration avec Caroline Matellin-Pierrard, Anne-Sophie Dubey et Clara Letierce, explorent une tout autre approche du courage au travail. 

Leurs recherches menées au sein d’organisations dites "libérées" révèlent une dynamique bien plus quotidienne : celle de salariés et de collectifs qui, chaque jour, font preuve de courage en affirmant leurs convictions, en posant des questions difficiles ou en tentant de nouvelles approches, parfois à contre-courant. 

 

Trois formes de courage à cultiver au quotidien 

Les chercheurs identifient trois dynamiques clés : oser être, oser dire, oser faire. Oser être, c’est exprimer son identité, ses valeurs, voire ses vulnérabilités. Oser dire, c’est pouvoir formuler un désaccord, une inquiétude ou un doute. Oser faire, enfin, c’est prendre des initiatives risquées, sortir du cadre ou proposer des alternatives innovantes. 

Ces expressions du courage ne sont pas spectaculaires mais elles sont fondamentales pour la vitalité des collectifs. Elles permettent de poser les bases d’un dialogue sincère, d’une innovation continue et d’un engagement renouvelé. 

 

Un courage soutenu par l’organisation 

Dans les entreprises où l’autorité est distribuée, ce courage ne peut pas reposer uniquement sur la bonne volonté individuelle. Il s’agit de créer des environnements de travail qui favorisent et soutiennent ces comportements. Temps dédiés à la discussion, culture du droit à l’erreur, reconnaissance managériale active : ces dispositifs organisationnels sont autant de leviers pour faire du courage une ressource collective. 

Le courage devient ainsi un élément structurant de la vie organisationnelle, inscrit dans les pratiques managériales, la gouvernance et les modes de coopération. 

 

Un enjeu clé pour les entreprises en transformation 

Dans un contexte où les entreprises dites "libérées" peinent parfois à trouver leur équilibre dans la durée, reconnaître et renforcer ces formes de courage devient une nécessité. Il ne s’agit plus seulement de promouvoir l’audace ou la prise de risque, mais de concevoir des organisations où il est possible, et même souhaitable, d’oser. 

Créer les conditions du courage, c’est permettre aux collectifs de faire face à la complexité, de rester alignés avec leurs valeurs et de prendre des décisions porteuses de sens, même lorsqu’elles vont à l’encontre des logiques économiques immédiates. C’est, en somme, transformer le courage en ressource stratégique pour des organisations plus résilientes, plus humaines, et plus engagées. 

Publié hier à 8h30